Eloge du cheap : les baleines de col en plastique

C’est le matin, plus ou moins tôt, et vous boutonnez le col de votre chemise, que vous relevez ensuite pour nouer autour du cou une cravate choisie suivant l’humeur du jour, les vêtements que vous portez, votre goût personnel en la matière… Bref, jamais la même, et pourtant toujours la même, au grand dam de votre chère et tendre, qui a renoncé depuis longtemps à vous convertir à ses couleurs préférées. Une fois le nœud réalisé, et avant de rabattre le col et d’ajuster une dernière fois les étoffes ainsi appareillées, une dernière opération intervient : vous glissez dans les goussets cousus à cet effet une paire de baleines de col, qui apporteront à la chemise une touche de raideur supposée plus appropriée à la tenue de ville.

A ce moment-là, et en fonction de vos moyens, plusieurs possibilités s’offrent à vous : baleines en or (si, si, promis, ça existe), en argent, en nacre, en os, en bois de cagette… J’avoue que l’idée d’un bout de métal qui se balade dans mon col de chemise me met aussi à l’aise que la perspective d’une prothèse du genou. Donc j’écarte les métaux, même nobles. D’ailleurs ils sont lourds et ont tendance à user, puis trouer prématurément le tissu à l’extrémité des goussets.

La nacre, l’os, la corne, plus légers, plus vivants, me semblent tous très adaptés, et offrent à l’œil de très jolis accessoires. Mais finalement, au bout de quelques années, je suis revenu aux baleines en plastique ! Pour au moins deux raisons : la première est que le plastique reste souple, discret, et donne presque l’illusion que le col se tient sans l’aide de ces petits accessoires qui paraitront dans un siècle aussi ridicules que les crinolines des femmes du XIXe siècle ; la seconde est que je peux couper les baleines à la longueur que je souhaite, de façon à les rendre légèrement plus courtes que la taille du col ne l’exigerait normalement, ce qui permet au col de reposer plus largement sur les clavicules, avec pour résultat une allure légèrement moins guindée.

Le seul problème, c’est que parfois le plastique casse et la baleine se rompt par le milieu, le plus souvent lorsque vous êtes déjà en retard pour un rendez-vous matinal. Et dans ce cas, aller retirer du fond du gousset bien ajusté le morceau manquant relève de l’exploit, de la pêche à la baleine à mains nues ! c’est une sacrée paire de manches, si vous préférez. A la rigueur une pince à épiler peut se révéler utile.

Ce risque d’incident mécanique mis à part, j’admets volontiers que pour parvenir à un tel degré de raffinement dans le raisonnement esthétique, s’agissant d’une matière aussi futile que l’habillement en général et les baleines de col en particulier, il faut vraiment avoir un grain. J’admets, j’admets, je bats ma coulpe et je conclue en chanson : Le plastique c’est fantastique !

3 réponses à “Eloge du cheap : les baleines de col en plastique

  1. Bel article bien écrit sur un sujet délicat. J’ai moi-même eu des difficultés à trouver ces ustensiles hors l’achat d’une chemise. Certaines baleines se tordent ; j’ai donc voulu en acheter. Dans les boutiques de vêtements, il est inutile d’en chercher. Une vendeuse m’a, en dernier ressort, conseillé de visiter une mercerie. Après plusieurs essais infructueux dans ces magasins rares, ainsi que sur les marchés, j’ai enfin déniché des baleines de col en vente à la mercerie Saint-Joseph de Compiègne.

  2. Cher Stéphane,
    Merci pour votre commentaire, et pour le nom de ce fournisseur : les habitants de Compiègne vous sauront gré de ce partage. En effet, votre expérience illustre la difficulté à trouver des fournisseurs de qualité en province pour constituer et accessoiriser une garde-robe classique. Au contraire, à Paris, il me semble que les chemisiers sont plus nombreux qu’il y a dix ou quinze ans (demi-mesure et mesure confondues) et qu’il est très facile de trouver chez eux des baleines de formes, de matières et de prix variés.

    Philippe

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