Plus belle la ville ou l’élégance du détritus

L’élégance pousse sur tous les terreaux, et le « scandaleux oncle Alexandre » des Météores de Michel Tournier, autoproclamé « dandy des gadoues » en offrait l’exemple, qui dépensait en gilets extravagants l’argent gagné dans ses affaires de déchetterie.

Intéressons-nous ici à l’élégance du mobilier urbain, réduite à son acception simplement esthétique, et à la fois à la plus récente et à la moins noble de ses expressions, à savoir la nouvelle corbeille parisienne, heureuse issue d’une démarche contrainte. Il n’est pas tous les jours facile en effet de dessiner une poubelle pour accueillir les détritus de la grande ville. Les designers se disent : C’est parti pour un siècle (comme les fontaines Wallace, les colonnes Morris), et puis patatras ! ou plutôt : Badaboum ! des poseurs de bombes se mettent à déposer leurs colis au milieu des ordures, et il faut reprendre le cahier des charges de la propreté publique.

Revoici donc la transparence, si symptomatique de notre époque : aussi peu ragoûtant qu’il soit, le contenu de la poubelle doit être visible de l’extérieur. Mais encore ? Le nouveau modèle, baptisé « Bagatelle » et imaginé par le cabinet d’architectes Wilmotte, évite « par son ergonomie, que de trop gros déchets soient entreposés dans les corbeilles, dont ce n’est pas l’usage. [Les corbeilles] ont été pensées aussi pour faciliter le vidage des sacs par les agents de propreté de la Ville de Paris. Les nouvelles corbeilles grises sont également plus solides, grâce à l’emploi d’un acier de grande qualité. Pour lutter plus efficacement contre les abandons de mégots sur la voie publique, ces nouvelles corbeilles sont équipée d’éteignoirs. » dixit le site Internet de la Mairie. L’administré appréciera.

Cela dit sans ironie, car, malgré un lourd cahier des charges, il faut reconnaître que ces corbeilles ont une certaine allure, d’abord surprenante comme d’une crinoline de métal posée sur la chaussée. 10 000 ont déjà été installées dans l’ensemble des arrondissements parisiens en remplacement des porte-sacs verts adoptés dans l’urgence il y a quelques années. Le nouveau modèle est de couleur grise (« gris de Paris » ai-je lu quelque part !), tout comme le sac qui y est disposé, et rappelle la couleur des vélibs. « L’idée était de mieux harmoniser le mobilier urbain avec les couleurs de la Ville et de moderniser un parc de corbeilles vieillissantes. » nous dit encore le site Internet de la Mairie.

En conclusion, avec des corbeilles comme celle-là, on n’a plus droit de jeter ses détritus par terre… D’autant qu’il en coûte alors une amende dont le montant peut atteindre 35 Euros.

Crédits photo

Philippe Muller et Mairie de Paris – Marc Verhille

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