Notre peuple, dans ses habitudes, est friand de poignées de mains. Cette pratique présente des satisfactions diverses et l’on trouve autant de manières de faire qu’il existe de personnes.
Certains, peu maîtres d’eux, écrasent à leur insu toutes les mains qu’ils rencontrent. D’autres, plus conscients de leur force, se piquent d’avoir un étau au bout de l’avant bras.
A l’inverse, on se trouve parfois exposé à une sorte de limace qu’on serre avec dégoût. Amorphes et transpirantes, ces mains ne sont pas de celles qu’on veut croiser.
Le juste milieu pour serrer la main est entre ces deux extrêmes, qui sont également détestables. Il suffit pourtant de tendre une main franche et ferme sans excès. Cette civilité convenue n’est pas une compétition. Ne cherchons donc pas à en faire un preuve de virilité : d’autres sports le permettent. Si vous avez l’habitude vigoureuse de serrer gaillardement la main d’un ami cher, réservez-lui cette faveur sans chercher à en faire profiter ceux qui ne sont pas rompus à l’exercice. A fortiori, on veillera à ne pas laisser libre cours à cette inclination sur les femmes et les enfants, dont il faut ménager les main frêles. Le duel inégal d’une main patricienne et d’une paluche d’hercule ne présente en effet pas de véritable intérêt sportif.
Si la nature a choisi de vous faire transpirants, faites-vous en une raison. A trop dramatiser cette surabondance liquide, vous ne faites qu’aggraver la situation. Nous avons tous nos petits défauts et il n’en faut pas rougir. Serrer un mouchoir, mettre du talc, s’essuyer discrètement la main… Vous avez vos petits secrets, gardez les précieusement.