Mise en plis

Inflation de plis sur le marché de la cravate ! la hausse des plis n’en finit pas : cinq, puis sept, et maintenant neuf plis. Qui dit mieux ? mais au fait, ça commence peut-être à faire beaucoup, non ?

Un bref rappel, pour commencer : la cravate sept plis consiste en une cravate sans triplure, dont l’épaisseur résulte de la superposition de la soie, repliée sept fois sur elle-même. Il a existé des cravates cinq plis, mais la norme s’est imposée peu à peu autour de sept plis. Au prix d’un coût de fabrication plus élevé que celui d’une cravate traditionnelle, une sept plis offre une main incomparable, une vraie gourmandise pour les amateurs. Elle est donc logiquement réputée se trouver au sommet du savoir-faire, au zénith de l’art de la cravate.

Son existence était relativement anecdotique il y a encore quinze ans. Ainsi, dans son formidable livre La grande histoire de la cravate*, paru en 1994, François Chaille ne consacrait-il qu’un seul paragraphe à la cravate sept plis, pour la signaler comme une production marginale et anachronique, survivance d’une mode somptuaire des années 1920 et 30, réalisée chez trois fabricants : Charvet, Robert Talbott et Ermenegildo Zegna.

Mais depuis lors, la cravate sept plis a connu une renaissance inattendue, au point qu’on la trouve maintenant dans bon nombre de maisons qui veulent faire étalage de légitimité, dans l’art de nous entourer le col d’un élégant ruban de soie savamment noué. Renaissance inattendue, mais somme toute logique sur le plan du marketing : la baisse de la demande générale invite à augmenter le chiffre d’affaires réalisé avec les gros consommateurs qui restent, c’est-à-dire les amateurs éclairés.

C’est ainsi qu’une maison comme Alain Figaret, guère connue comme la plus pointue en matière de cravates, propose depuis quelques saisons d’élégants modèles de sept plis, d’un bon rapport qualité-prix, à côté de sa gamme plus habituelle. Ici, comme ailleurs, la production actuelle reste essentiellement italienne.

Et c’est peut-être d’Italie aussi que viendra la surenchère. En effet, une maison aussi réputée que Marinella, qui ambitionne depuis une dizaine d’année de dépasser le cercle des cognoscii, a très vite surfé sur la vague des cravates sept plis, avec une production à la hauteur de son savoir-faire reconnu. Mais fournir de bons produits ne suffit pas toujours à faire des étincelles médiatiques. Alors, pour ne pas faire comme tout le monde, Marinella a lancé la cravate… neuf plis. Et là, force est de reconnaître, malgré toute mon admiration pour la sympathique maison napolitaine, que c’est peut-être trop : on a l’impression de porter double épaisseur de cravates, et un dépliant qui baille sur le ventre.

Bref, ce n’est pas très convaincant, mais peu importerait si le lancement des neuf plis n’avait fait disparaître de la gamme les superbes sept plis qui remplissaient parfaitement leur office. Pardi ! la neuf plis, c’est encore plus cher… Alors finalement, on se demande si, en dépliant un cravate neuf plis une fois décousue, on ne pourrait pas lire à l’intérieur : CRA-VA-TE-AR-NA-QU-E-CRA-VA-TE.

* CHAILLE François, La grande histoire de la cravate, éditions Flammarion, PARIS 1994

3 réponses à “Mise en plis

  1. Comme vous, je trouve cette surenchère assez douteuse. Entre l’épaisseur de la soie et l’épaisseur conférée par les plis pléthoriques, on risque de se retrouver avec un noeud de cravate aussi gros que sa tête.

  2. C’est clair que 9 plis, c’est trop.
    Quand une cravate 7 plis est en grenadine il faut déjà habilement jouer du fer pour alléger la main sans pour autant se retrouver avec un « tube » sans forme.
    Alors 9 plis… mettons cela sur le compte de la joyeuse folie italienne et parions sur un échec commercial qui nous ramènera aux recettes éprouvées des 7 plis.

  3. Correctement réalisées, les vraies cravates 7 plis ont un bien tombé naturel. Sans triplure et composées d’étoffes légères, elles sont comparables aux 3 plis mais, cerise sur le gâteau, elles apportent un effet de volume.

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