Deux flacons sinon rien !

Depuis que les lessiviers ont pris le pouvoir dans les grandes maisons (grandes par leur chiffre d’affaire s’entend), le panurgisme et la prudence dominent le secteur de la parfumerie, plus sûrement encore que ceux de la banque ou de l’assurance post Lehman Brothers. Saluons donc le travail d’une maison qui ose prendre des risques…

La maison Lubin, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, s’inscrit dans ce mouvement de réveil récent de belles endormies de la parfumerie française. Créée en 1798, elle a connu une histoire tourmentée dans les années 1980 et 1990, avec des actionnaires allemands successifs qui avaient finalement décidé de ne plus exploiter la marque.

Dans le rôle du prince charmant, Gilles Thévenin, alors en poste chez Rochas, a acheté Lubin en 2003, relocalisé la production en France et lancé en 2005 une eau de toilette, Idole, du nom d’un parfum datant de 1962.

On peut saluer doublement la prise de risque dans ce lancement. Tout d’abord le flacon s’écarte de l’ultra-classicisme, certes de bon goût, qui a envahi le design des flacons de parfums haut de gamme depuis quinze ans. Créé par Serge Mansau (respect ! plus de deux cent cinquante flacons à son actif, et toujours aussi créatif) il évoque une divinité nubienne, et c’est un tour de force, inoubliable. Doublé plus tard par celui de l’eau de parfum, qui renouvelle complètement le flacon sans le trahir, évoque la voile d’une felouque derrière le masque épuré, comme une sculpture de Franco Adami.

Ensuite, le jus ne ressemble à rien de ce qui se faisait en 2005, ni d’ailleurs aujourd’hui. Sa créatrice, Olivia Giacobetti, décrit sa fragance comme « un feu de jungle, l’intensité d’un liqueur de bois aux épices brûlantes, la douceur de la canne à sucre et la chaleur du cuir ».

Bon, ne nous emballons pas, mais suivons le guide… « Note de tête : absolu de rhum, safran, écorce d’orange amère, cumin noir. » La note de rhum est moins omniprésente dans l’eau de parfum, dixit le vendeur de la boutique de la rue des Canettes. « Note de cœur : bois de doum (le doum est une espèce de palmier que l’on trouve en Afrique, au Mali notamment… Vous ne pensiez pas que ce blog allait vous en apprendre en matière de botanique, n’est-ce-pas ?), ébène fumé, sucre de canne ». Bigre ! du rhum et du sucre, on va finir par en boire… « Note de fond : cuir, santal rouge. »

Le résultat est magnifique. J’avoue une préférence pour l’eau de parfum, pas seulement parce que la tenue est meilleure, concentration oblige, mais parce que la note de cuir, très élégante, mérite cette tenue.

Depuis ce lancement, Lubin a (ra)jouté d’autres parfums à son catalogue, avec notamment une intéressante variation sur le Vétiver. La gamme est distribuée dans quelques corners et une quinzaine de pays en tout. Mais, pour les parisiens, le passage par la boutique de la rue des Canettes, citée plus haut, reste sans doute le meilleur moyen de découvrir ces beaux parfums, avec un accueil en tous points digne de leur qualité, par sa gentillesse et son professionnalisme.

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