Bon voyage !

Les voyages forment la jeunesse et déforment les vêtements. Les passagers des compagnies aériennes en particulier peuvent vérifier cet axiome. Pourtant, si beaucoup d’articles sont publiés qui abordent le sujet par la soute, traitent de la façon de faire sa valise pour transporter sans un faux-pli le costume pour la réunion du lendemain, le smoking du soir, les souliers, les chemises et autres sous-vêtements jusqu’à destination, rien ou presque n’est publié sur la tenue à adopter pendant le voyage.

Source : www.cinemotions.com

Bien sûr vous pouvez voyager comme Vittorio Manalese dans Le clan des siciliens (notre photo) en complet veston et feutre mou, le pardessus élégamment jeté sur l’avant bras. Pour détourner l’avion sur une musique d’Ennio Morricone, c’est parfait. Mais il faut admettre que le pirate de l’air tiré à quatre épingles se fait rare de nos jours, sur les vols commerciaux. En outre, depuis l’année 1969, le confort des cabines a connu une tendance fâcheuse à se réduire comme peau de chagrin et place pour les jambes, ce qui freine les velléités de coquetterie aéronautique.

Il faut admettre aussi que trouver la tenue appropriée relève de la gageure dès que la distance parcourue devient sensible et se manifeste par une forte différences de climats entre le lieu du décollage et celui de l’atterrissage, ou par la nécessité de dormir durant le vol. Alors que faire ? Abandonner toute ambition ? S’habiller en pantalon de survêtement, sweat shirt à capuche ?

Que nenni ! D’abord parce qu’on fait en vol des rencontres inattendues mais opportunes qu’il serait dommage de compromettre par une mise rebutante, ensuite parce que le laisser aller a fini par jurer au point que certaines compagnies ont pris des mesures pour obliger le voyageur à un minimum de décence. C’est le cas par exemple de Quantas, qui a annoncé en février dernier qu’une tenue correcte serait désormais exigée pour accéder à ses lounges domestiques ainsi qu’à ses salons Business à l’étranger, une tenue qualifiée de smart casual par la compagnie.

Ce smart casual me semble assez correspondre à un idéal de la tenue du voyageur aérien contemporain moyen (celui qui ne décolle pas de l’aéroport du Bourget en jet privé, et devra peut-être pousser ou porter quelque bagage) : aux pieds, des chaussures sans lacets, des mocassins seront parfaits. Comme en garde à vue. Ils sont faciles et rapides à retirer au moment de franchir les contrôles de sécurité ou de faire une sieste pendant le vol. Préférez les souliers en veau velours, ce qui évitera l’entretien réclamé par le box lisse écrasé par une roue de chariot à bagages. Une paire de jeans ou un pantalon de velours conviendront, si les températures permettent de supporter le velours à la montée comme à la descente de l’avion. Et le chino s’il fait chaud ? Pourquoi pas, mais il est plus salissant. Une chemise button down et un pull ou une veste sport solide compléteront la tenue, et protégeront le voyageur du froid climatisé de la cabine sans trop de crainte des faux plis, notamment s’il somnole dans son fauteuil redressé à l’atterrissage. Et voilà… Bon voyage !

A ce sujet, une exposition récente a permis de mesurer l’écart entre le transport aérien encore glamour des années 1970 et le transport en wagons à bestiaux qui lui a succédé. Intitulée The Pan Am experience, l’exposition organisée autour d’une réplique de cabine de Boeing 747 dans un studio de cinéma californien permettait aux visiteurs de « revivre la magie » des vols à bord d’un 747 de feu la Pan Am, et a connu un vif succès auquel ne fut sans doute pas étranger un certain sentiment de frustration des visiteurs quant à leur propre expérience du transport aérien.