La toute petite robe noire

Et la toute petite chronique de la mode qui passe, à l’heure du coronavirus… Il paraît qu’à Paris, en ce moment, la nouvelle petite robe noire des fashionistas, c’est le masque noir. Même le très sérieux hebdomadaire The Economist a consacré un article à ce phénomène de mode dans son édition du 5 juin. Un article court. Que les lecteurs épisodiques du célèbre newsmagazine libéral ne s’inquiètent pas ! Disons un article un peu au-dessus du genou.

Emmanuel Macron, la République en masque… En visite dans une école primaire, le Président de la République porte un masque made in France.
Emmanuel Macron, la République en masque… En visite dans une école primaire, le Président de la République porte un masque made in France.

Il faut s’y faire, le masque est en passe de devenir en occident, comme il l’est déjà depuis longtemps en extrême orient, un accessoire de mode largement obligatoire, pour des raisons réglementaires, et totalement contraint, pour des raisons techniques. Il s’agit d’une catégorie d’accessoires très rare dans la mode, et plutôt réservée d’ordinaire à des garde-robes professionnelles et à des uniformes.
Ces particularités soulignées, on peut considérer le masque sous un angle plus vestimentaire, et observer qu’il est, de toute la garde-robe, l’accessoire le plus proche du visage. Si proche qu’il en dévore la moitié. Jusqu’alors, ce rôle d’accessoire immanquable était tenu chez les hommes par la cravate. Certains conseils qui s’appliquent à celle-ci peuvent donc aussi s’appliquer à celui-là. En particulier ? De la discrétion : le masque est la première chose que notera votre interlocuteur quand il vous rencontrera, et sa discrétion, nonobstant l’explosion de motifs et de couleurs parfois très attirants, dans les vitrines des marchands de masques, permettra que l’attention de cet interlocuteur se concentre davantage sur le regard et l’expression du visage, ou de ce qu’il en reste. D’où le masque uni.

Regardez-moi dans les yeux. J’ai dit : dans les yeux.
Regardez-moi dans les yeux. J’ai dit : dans les yeux.

Cela dit, le virus COVID-19 a déjà fait le tour du monde en quatre-vingt jours et semble avoir pris goût aux voyages. D’où cette question clef pour les industriels de la mode : pour combien de temps en a-t-on, au juste, à porter des masques ? Après le bronzage « retour des sports d’hiver » (la marque des lunettes sur un visage bruni), aurons-nous droit cet été à la marque du masque en complément du bronzage marcel ?
Si le virus et ses cousins s’installent, au gré des mutations et des nouvelles souches, alors probablement la créativité du monde de la mode s’exprimera-t-elle à plein tissu sur ce petit morceau d’étoffe, nous invitant à nous écarter de la discrétion de bon aloi que représente la petite robe noire. Quelques suggestions pour rire : une barbe en coton amidonné pour les hipsters qui auront rasé la leur ; une barbe postiche de masque funéraire égyptien ; une gueule de lévrier plutôt qu’un bec de canard, etc.
Il est à souhaiter plus sérieusement que la persistance de la menace, à défaut d’un vaccin, permette aux fabricants de tissus, plus qu’aux dessinateurs de mode, d’innover en réalisant des progrès techniques rapides. A cet égard, le modèle de masque à filtre intégré lancé par la maison Degand, à Bruxelles, est exemplaire. Et puis, cocorico ! rappelons que le masque lavable a déjà permis à certains producteurs hexagonaux de surfer sur la vague épidémique et de sortir de l’anonymat, à l’image de la bonneterie Chanteclair, basée à Saint-Pouange dans l’Aube, dont la production n’aurait jamais en d’autres temps atterri sur le nez présidentiel ni, ipso facto, devant les caméras.

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