Rue François 1er, square Philippe Noiret

Régulièrement la désormais célèbre collection de souliers de Philippe Noiret fait l’objet d’articles dans la presse plus ou moins spécialisée ou sur les blogs, voire d’expositions par la maison qui, après tout, l’a produite, à savoir la maison John Lobb, à Paris (à ne pas confondre avec la branche londonienne, les lecteurs de Mes élégances savent tout cela).

Quelques souliers volaient en ordre serré au mur de la boutique…
Quelques souliers volaient en ordre serré au mur de la boutique…

Ainsi en octobre dernier une quinzaine de souliers issus de cette collection étaient-ils exposés dans la boutique Lobb de la rue François 1er. Ils donnaient l’occasion de découvrir, pour ceux qui ne la connaissaient pas encore, la boutique entièrement refaite cette année.

Finesse des coutures, beauté de la patine… Rien à redire à cette paire classique de tassel loafers.
Finesse des coutures, beauté de la patine… Rien à redire à cette paire classique de tassel loafers.

Commençons par les souliers de Philippe-le-bienheureux (Philippe, ce n’est pas moi, c’est lui, l’inoubliable interprète d’Alexandre). Le choix en était consensuel et les ghillies sont restées au placard : à part des bottines plutôt rustiques, on s’imagine facilement avec tous ces modèles aux pieds. Point particulier, il n’y avait que des souliers marrons, ce qui signale le vrai amateur, lorsqu’il peut s’affranchir des codes vestimentaires de certains secteurs d’activité conservateurs, autrement dit lorsqu’il n’est pas obligé de porter du noir. De fait, je ne crois pas qu’une seule paire de couleur noire ait été commandée par l’acteur, qui avait tout de même dépassé la trentaine à la fin de sa vie… Il doit bien exister une crise de la quarantaine chez les clients de Lobb, mais pour en arriver là il faut vraiment un acharnement monomaniaque.

La patine naturelle alliée au glaçage réalisé pour l’exposition renforçaient l’aspect de vieux meuble précieux de toutes ces chaussures, même si les esprits chagrins se souviendront que ce traitement spectaculaire n’était pas dans les habitudes de Philippe Noiret.
Il est touchant de constater que le modèle double boucle exposé semblait avoir beaucoup servi. Les rides du vieux serviteur, manifestement ressemelé à plus d’une reprise, auront rappelé au visiteur combien Philippe Noiret a contribué au succès du modèle William dans la gamme en prêt-à-porter de John Lobb. Ce William, je propose d’ailleurs de le rebaptiser « le Noiret » ! Quant aux slippers, ils ont tant servi que leur doublure voit le jour sous les plis de la marche, comme sous les crevés d’un pourpoint Renaissance. En les voyant je me suis senti approuvé dans mon usage extrême, lui aussi, de paires de slippers et autres babouches que mon avarice me fait porter au-delà de la décence aux yeux de notre fille (c’est pour payer tes études, jeune insolente).

Un jour, pour montrer à notre fille ce qu’était un lavis d’encre, je lui ai gribouillé cette paire de souliers, d’après une photos de… Devinez qui ?
Un jour, pour montrer à notre fille ce qu’était un lavis d’encre, je lui ai gribouillé cette paire de souliers, d’après une photo de… Devinez qui ?

Venons-en maintenant à la nouvelle boutique Lobb, qui servait d’écrin à ces quelques bijoux taillés par les bottiers de la rue Boissy-d’Anglas (l’atelier a depuis lors emménagé rue Mogador). La boutique a été refaite au printemps dernier, son adresse reste la même et ses dimensions identiques, tout en longueur, pour une surface totale d’environ 100 mètres carrés. J’avoue qu’elle m’a d’abord moins séduit que les souliers du grand acteur. Au premier coup d’œil j’ai pris froid, sous les assauts d’un minimalisme clinique. Mais l’envie de tourner les talons pour ressortir passe très vite, car ce minimalisme-là est confortable : une fois assis dans la seconde partie de la boutique, au-delà du pittoresque comptoir posé devant un meuble en noyer massif et acier en forme de malle-cabine ouverte, on n’a qu’une envie : rester assis là à refaire le monde de la chaussure et essayer quelques modèles, tout de même, car il y a deux ou trois nouveautés intéressantes cette année, comme ce soulier d’une seule pièce, l’Upton, un modèle élancé qui ne la ramène pas mais bénéficie de la fabrication et de la finition haut-de-gamme de la maison. Ce ne sont pas de vains mots lorsqu’on se rappelle que les prix d’entrée-de-gamme se situent déjà au-delà de 1000 euros pour une paire. Que voulez-vous, chez Hermès il vaut encore mieux être actionnaire que client !

La nouvelle boutique John Lobb de la rue François 1er
La nouvelle boutique John Lobb de la rue François 1er

Cette nouvelle boutique de la rue François 1er est la première du genre. Elle matérialise la conception de Philippe Gonzalez, Directeur Général de Lobb depuis 2018, qui souhaite « offrir une expérience unique au client en lui proposant une atmosphère agréable dans laquelle faire son shopping. » Difficile d’imaginer propos plus consensuel et lénifiant. Il se traduit en larges enduits de plâtre blanc, d’où l’impression clinique évoquée plus haut. C’est un peu Jean-Michel Frank sans la poésie de Jean-Michel Frank. Mais avec l’impression, donnée par la table basse en Azul Bahia (un granit d’origine brésilienne), qu’une météorite vient de tomber délicatement dans l’entrée de la boutique.
Toutes ces nouveautés sont vite oubliées, et au fond c’est peut-être leur principale qualité, car l’équipe commerciale est restée la même et continue d’offrir un accueil très agréable et plus largement un niveau de service très élevé. Foi de client, et non d’actionnaire, on peut y retourner les yeux fermés !

Sources
Dessin de l’auteur, photos de l’auteur et Montaignestyle.com

2 réponses à “Rue François 1er, square Philippe Noiret

  1. Ce blog a cité des Gonzalez plus inspirés…
    Bien d’accord pour rebaptiser le William ; et pourquoi pas “William-Noiret” ? un nom pour chaque boucle.

  2. Merci pour ce commentaire et cette suggestion, nous transmettrons aux intéressés 🙂
    Nous pourrions aussi lancer un vaste sondage mondial qui recueillerait 3 contributions franciliennes (disclosure: Bob le lyonnais lives in the vicinity of Paris)… Mais seule compte la qualité des contributions !

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