Un revival signé John Preston

C’est maintenant ! Les nostalgiques, les écologistes et les amateurs de mode masculine de tous bords peuvent se rendre boulevard Raspail à Paris¹, pour y découvrir une pièce de vêtement frappée au coin du développement durable. Depuis quelques semaines en effet, LE veste de John Preston est visible en avant-première chez Matthew Cookson, et il s’agit d’une renaissance, pour cette marque qui a compté à Paris au tournant du siècle.

En vitrine sur le boulevard Raspail
En vitrine sur le boulevard Raspail

Retour en arrière : John Preston, avant de devenir une marque de vêtements et d’accessoires pour hommes, a distribué pendant quelques saisons du vintage haut de gamme qui sentait bon le Row, à l’imitation de ce qu’avait fait Hackett à ses débuts, de l’autre côté de la Manche, ou de ce que propose Savvy Row de nos jours. On verra que LE veste constitue presque un clin d’œil à cette mode circulaire des origines, qui balançait du côté du développement durable avant que ce dernier ne devînt un argument de vente.
Puis Alexander Preston, le fondateur de la marque qui porte (presque) son nom, s’en est allé vivre d’autres vies professionnelles tandis que son compagnon d’armes Matthew Cookson fondait la marque éponyme de souliers et d’accessoires, avec le succès que l’on sait. Fast forward : LE veste arrive sur les portants en ce printemps 2023 et ce n’est pas sans émotion que le rédacteur de ces lignes a retrouvé Alexander, le cheveu plus rare mais l’accent toujours aussi délicieusement jane-birkinesque, au point que sa pratique du français a modifié le genre du nom de son nouveau produit. La veste devient donc LE veste, l’Académie n’a qu’à bien se tenir.

John Preston sur fond de Matthew Cookson
John Preston sur fond de Matthew Cookson

Voyons voir de plus près ce ou cette veste… Elle se présente comme un article décontracté, taillé dans un velours mille raies en ce qui concerne les modèles déjà visibles dans la boutique du boulevard Raspail. Les proportions et la coupe sont conservatrices, le boutonnage droit, un faux trois boutons bien réalisé (ce qu’on appelle parfois un three-roll-two).

Seules les poches latérales rompent, mais alors franchement, avec le classicisme : il s’agit de larges poches raglan, aussi confortables qu’inattendues. Je suis curieux de voir si les clients adopteront ce choix stylistique et le trouveront aussi distingué que distinctif. Je suis curieux de voir surtout le rendu sur un coton plus estival, où cette coupe devrait faire merveille par sa décontraction pratique. Au passage, la fente dos pourrait être plus longue à mes yeux, ce qui viendra sans doute car Alexander partage ce goût. La doublure est en soie ou en coton au choix du client, avec un léger surcoût dans le premier cas.

three-roll-two et poche raglan
three-roll-two et poche raglan

De coton il est beaucoup question ici car, et c’est l’autre originalité de cette veste, elle est certifiée GOTS, pour Global Organic Textile Standard. Or cette certification porte sur la filière coton. Comme l’écrit Alexander : « J’ai voulu prouver qu’une marque de luxe anti-greenwashing, parfaitement responsable. entièrement certifié GOTS, était possible aujourd’hui. Il aura fallu plusieurs années d’efforts pour que ma première veste obtienne le label GOTS. Je l’ai baptisée “Le Veste” par considération pour cette pièce unique et en hommage à mon français déplorable. »

Je salue cette initiative en bon prosélyte car à vrai dire je n’ai entendu parler pour la première fois du label GOTS qu’en 2019 (par Sophie Brocart qui venait de prendre la direction de Patou après le rachat par LVMH, il en a été question dans les pages de ce blog). Quelques lectures m’ont convaincu qu’il s’agissait du label le plus sérieux dans cette catégorie². Cela dit par un simple et modeste observateur.

Du coton, oui, mais du GOTS !
Du coton, oui, mais du GOTS !
La nouvelle signature de John Preston
La nouvelle signature de John Preston

Si on laisse de côté un moment les considérations stylistiques et écologistes pour s’intéresser à la dimension économique de l’entreprise, une telle certification représente un projet lourd à mener. Ainsi la mise au point de la fabrication, à Tanger, a-t-elle nécessité une inspection complète de l’unité de production par les GOTS people. Le consommateur final doit garder à l’esprit que le montage de vêtements qui suivent le cahier des charges GOTS nécessite de renoncer à certains avantages de l’automatisation industrielle. Par exemple, si un fil casse, il ne pourra pas être automatiquement remplacé à la volée, mais devra être remplacé par du fil issu de la filière certifiée répondant aux exigences de GOTS
On peut imaginer sans peine que la mise au point et la mise en œuvre d’une chaîne de production conforme aux critères GOTS représente un investissement pour l’industriel, justifié non par les seules commandes futures des clients de John Preston (on les espère en grandes quantités dans un avenir proche, bien sûr), mais par la perspective de vendre à d’autres marques des vêtements qui répondent à la demande croissante de vêtements plus éthiques, de vêtements responsables, pour le dire en usant de cette prosopopée caractéristique de la mode durable, in fine de vêtements qui déculpabilisent celui qui les porte.
Retour sur le boulevard Raspail, cela signifie qu’il faudra peut-être aussi une solution certifiée pour effectuer des retouches si un client le souhaite. Compte tenu que chaque veste correspond à une commande et donc à une prise de mesures, on peut penser que ce ne sera pas souvent souhaité, mais… Rendez-vous dans quelques semaines pour en reparler.

Un joli croquis tiré du communiqué de presse
Un joli croquis tiré du communiqué de presse

En attendant, LE veste (quand viendront les costumes, peut-être dira-t-on LA veston) se veut, autant qu’une veste écolo, une veste « pour la vie », dixit le communiqué de presse joliment illustré. Heureux programme car, rappelons-le ici au risque d’enfoncer une porte ouverte, une veste durable est d’abord une veste qui dure. Rien ne fait mieux obstacle à la fast fashion qu’un vêtement confortable et solide, qui traverse les décennies.

 

Sources des images : photos de l’auteur ; illustration John Preston.

Notes

(1) Matthew Cookson, boutique rive gauche, 11 boulevard Raspail, 75007 Paris

(2) Le cahier des charges impose des critères et des contrôles qui portent sur les conditions de travail, sûres et équitables, la chaine d’approvisionnement textile, largement bio, et enfin l’absence de résidus chimiques nocifs.

Une réponse à “Un revival signé John Preston

  1. L’article a suscité une série de quelques commentaires qu’on pourrait résumer ainsi : à quand un article sur Matthew Cookson ? Well noted… De fait, il y avait des nouveautés intéressantes aussi dans la collection de MC lorsque nous avons parlé de LE veste avec JP.

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