Bien avant la dernière pénurie de pétrole, la course au super avait frappé le monde des drapiers. Après le super 120s, le super 130s, on s’est mis à trouver des super 150s, des super 180s, des super 200s, même du 250s. L’avenir nous en réserve sans doute d’autres. Bref, une escalade dont la vertigineuse croissance rappelle celle des bulles spéculatives. Chacun veut voir sa valeur monter, sans lien avec ses fondamentaux, sans toujours savoir à quoi correspondent les nombres. Le chiffre après le mot « super » rassure les moins renseignés, qui choisissent leur tissu comme une œnologue qui classerait des vins sur le seul critère de leur âge.
Le super 100s est un tissu dont le diamètre des fibres n’excède pas en moyenne 18,75 microns, pour le super 110s le plafond est de 18,25 microns. Quand le super monte de 10, la moyenne du diamètre des fibres diminue de 0,50 microns. La limite du diamètre des fibres du super 200 est donc 13,75 microns.
A mon sens, il faut mieux opter pour des tissus entre super 90s et 120s, presque indépendamment des saisons. Ainsi vos costumes ne passeront pas, les fibres seront plus solides. Garder un costume 15 ans vaut mieux que perdre quelques microns.
La course à la légèreté est pour moi un peu une impasse. On se doute bien qu’on ne sera pas dans un costume comme dans un T-shirt sur une plage d’Honolulu. L’aisance est plus le fait d’une façon qui convient à vos mensurations plutôt que le fait d’un tissu dont les fibres sont plus fines.
Les tailleurs n’aiment d’ailleurs pas trop les tissus trop fins. Quand le costume sera usé, le client sera tenté d’accuser le pauvre tailleur innocent au lieu du tissu coupable, choisi par ses propres soins. Ces tissus sont aussi plus durs à travailler, ils gondolent et froncent à la première couture. Parfois le thermocollé est le seul recours, renforçant encore un peu plus la fragilité de votre costume. Enfin, les super 200 se froissent plus vite et se détendent plus lentement.
Il s’agit comme toujours de régularités statistiques, ouvertes à toute valeur sortant des intervalles de confiance. Bien des super 200 valent le coup d’œil.
Excellent article. Je parcours ce blog depuis une vingtaine de minutes, et je dois avouer être conquis.
Je vais donc continuer sur ma lancée, j’en apprends encore.
Continuez !
Merci pour le renseignement. je dois prochainement coudre mon costume pour ma soutenance et j’avoue que j’étais déjà tenté par un super très haut…. je considérais que plus on monte mieux ça vaut et merci de m’avoir éclairci. je pense que je me contenterai du super120.
Poussé par la lassitude, j’ai donné à la Croix-Rouge un costume Super100s âgé de plus de dix ans et qui a été beaucoup porté. Il avait encore air tout neuf !
Bravo pour cette mise au point, et pour en savoir plus, je vous conseille cet article sur le titrage de la laine :
https://eleganceclassique.com/2020/11/15/titrage-des-laines-laines-super-90s-super-100s-110s-120s-170s-cela-signifie-quoi/