Des souliers et des patins.

Un reflex d’orthodoxie réactionnaire est souvent observé sur ce sujet, comme sur d’autres d’ailleurs. Quand on sonde certains calcéophiles, on sent qu’ils ont envie de dire : « avant, il n’y avait pas de patins, donc on ne doit pas en mettre. Un point c’est tout. ». Ce qui donne dans leur curieux langage un tantinet obscurantiste : « Les patins, surtout pas, ça empêche le cuir de respirer car, oui, le cuir est une matière vivante. »

Les diamants sont éternels, pas les semelles.

Sauf considérations qui m’échappent, ce que je n’exclus pas, le cuir n’est plus une matière vivante. Certes, il se patine, change éventuellement de teinte, mais ne vit plus. Il évolue en se dégradant, ce qui ne veut pas dire que le cuir s’enlaidisse, bien au contraire. Mais les fentes ne se cicatriseront jamais. Cette évidence, dont je vous prie de m’excuser, ne semble pas être partagée par tous. Même l’expression « nourrir le cuir », que j’ai déjà utilisée, me met un peu mal à l’aise. On peut embaumer un mort, mais plus le nourrir. L’expression nourrir le cuir me semble plus marketing que juste. Par contre, il est évident qu’il faille le protéger avec du cirage et l’assouplir avec de la crème, faute de quoi, le cuir se dégradera très vite.

Revenons à notre sujet, faut-il rouler pour les patins ? Cela dépend de vous et voici, d’après moi, les deux options qui s’offrent à vous. Soit vous voulez protéger vos semelles et la couture goodyear ou blake de votre chaussure pour qu’elle dure plus longtemps. Dans ce cas, mettez des patins sans aucun scrupule. Soit vous êtes un inconditionnel du bruit d’une semelle de cuir et marcher sur du cuir vous procure un plaisir qui n’a pas de prix, alors ne mettez pas de patins. L’important dans ce débat est de savoir ce que l’on achète. Dans un cas, on achète une économie (un patin coute 10 fois moins cher qu’un ressemelage même s’il dure un peu moins longtemps) dans l’autre cas, on achète une sensation et c’est tout (çà) !

Pensez aussi à inclure l’adhérence dans votre choix. Les semelles en cuir glissent beaucoup, ce qui participe au plaisir qu’elle procure. Mais n’oubliez qu’on ne peut plus mettre de chaussures sur un plâtre. Un petit patin permet plus d’adhérence sans forfaire, à mon sens, à l’orthodoxie des bottiers.

14 réponses à “Des souliers et des patins.

  1. Bonjour,

    Je suis tout à fait d’accord sur le fait qu’un patin est préférable, surtout pour l’adhérence et la protection des coutures, n’en déplaise aux puristes. La couture sous gravure, en revanche, présente l’avantage de conserver les sensations de marche sur le cuir, mais ne résolvent hélas pas le problème de l’adhérence.

    En revanche, le cuir est certes une matière inerte, mais j’aime à penser que mes souliers ont une âme (comme le dit Olga Berluti), et un caractère que je ressens lorsque je les cire et que je les porte.

  2. Je me joins à vous pour reconnaitre l’existence de l’âme d’une paires de chaussure, au même titre que pour un costume, un meuble de caractère ou bien encore un garde temps.
    Même si c’est un concept un peu abstrait et souvent subjectif, elle n’est pas lié au caractère inerte ou vivant du matériau mais plus aux soins , à l’amour et aux expérience que son créateur ou que son porteur lui a conféré tout au long de son existence .
    Il suffit de contempler la vision un peu navrante d’un bout de cuir sans forme pendant comme un poisson séché sur l’étal de l’artisan pour être persuader que l’âme ne réside pas dans le matériau .
    La noblesse du matériau est certes importante et sans nul doute elle est à considéré dans le choix de l’artisan (artiste? ) pour son travail et le résultat fini mais elle ne doit pas être confondue avec l’âme qui réside souvent dans des détails de finition, certaines usures patinées avec amour et non par négligence, des tranches de vie que l’on a vécu en leur compagnie etc .

    Cela implique également qu’un produit industriel est souvent sans âme à fortiori et que porté de manière j’m’en foutisme, celui ci ne sera qu’usé sans ce supplément d’âme cher à notre coeur.

    La seule limitation que certains peuvent voir se fait pour les semelles m’as tu vu qui sont souvent gravées de motifs plus ou moins réussis et apparentes une fois que l’on croise les jambes en levant ostensiblement le pied ( t’as vu j’ai une couronne sous ma semelle, chuis plein de thune ). Je pense évidemment à certaines chaussures italiennes bling..mais cela ne révèle pas de l’élégance mais davantage d’un autre sentiment beaucoup moins avouable .

  3. Pour ma part, je pratique depuis vingt ans une forme de compromis : je fais mettre sous mes chaussures (cousu Blake ou Goodyear) un patin « Topy » (navré de faire de la réclame, mais l’expérience m’a appris à préférer cette marque originale à des Erzatzs de piètre qualité) de couleur beige et non noire, quelque soit la couleur de mes souliers (noir ou marron).
    Les semelles, lorsqu’on peut les voir, semblent plus « naturelles » et l’usure les terniT un peu, donnant une simili-patine…sans risque de tester la collection « Béquilles Automne-Hiver 2011-2012 ».

  4. Tout cela est discutable : le pied respire mieux sur une semelle en cuir. Mettre un patin peut, à terme, abîmer l’intérieur de la chaussure. La transpiration ne s’évacuant pas par la semelle il faut bien qu’elle se retire par un autre endroit. Raison pour laquelle je trouve que mettre un patin sur une semelle en cuir est une erreur… Respectueusement à chacun !

  5. Oh là !
    Un chouan peut en cacher un autre…
    « Le Chouan » n’est pas une marque déposée.
    « Le Chouan des villes », si !
    Afin d’éviter les confusions, je signerai désormais de mon nom entier !

    Bravo pour cet article en tous points remarquable.

    Signé : « Le Chouan des villes ».

  6. Pour ma part, je serais bien triste de devoir renoncer à l’innocent plaisir des glissades sur la moquette du bureau quand on ne me regarde pas !

  7. Je rebondis sur l’un des arguments souvent employes (et repris dans un des commentaires precedents), qu’un patin empecherait le cuir de « respirer » et la transpiration « de s’evacuer ».

    J’ai pose la question a plusieurs cordonniers, qui m’ont tous confirme que la construction d’une semelle faisant appel a une couche de colle, celle-ci empeche quoiqu’il advienne la transpiration provenant de l’interieur de la chaussure de s’echapper par l’exterieur de la semelle. L’idee que des patins favoriseraient l’accumulation d’une transpiration « captive » qui, a terme, degraderait le soulier, est donc une legende.

    La transpiration prend le meme chemin pour sortir du soulier que celui par lequel elle est entree, c’est a dire par l’interieur. D’ou la necessite d’alterner les jours de port, afin que l’evacuation puisse effectivement avoir lieu.

    Que certains disent qu’ils n’aiment pas l’aspect esthetique d’un patin, c’est leur droit le plus strict, mais point n’est besoin de se refugier derriere des arguments techniques errones pour justifier leur choix.

    Personnellement, je considere qu’en la matiere, la fonction prime sur la forme. Ayant fait la douloureuse experience d’un vol plane d’un demi etage dans une cage d’escalier dont les marches, en bois, venaient d’etre cirees, on ne me reprendra plus sans patin a mes souliers.

  8. Entièrement d’accord avec cet article, bien que cela dépende du ressenti de chacun.

    Je n’ai jamais compris cet argument anti-patins consistant à dire que la transpiration s’évacuerait en partie par la semelle. Mais alors à quoi bon préserver ses souliers en alternant les ports et en prenant soin d’utiliser des embauchoirs si ce n’est pour éliminer la transpiration logiquement retenue à l’intérieur du soulier ? A moins que l’alternance et l’usage d’embauchoir soit un discours commercial nous incitant à acheter plus de paires de chaussures et d’embauchoirs ?? (Mais je dis ça sans ne rien y connaître)

    Personnellement, je « fais » les semelles de mes chaussures à nu sur 3 ou 4 jours puis je fais poser patins et fers, sans quoi je glisse et j’explose le bout de mes précieuses.

  9. C’est étrange. J’étais persuadé (d’où je tiens cela, je ne m’en souviens plus) que les chaussures à semelles en cuir étaient vendues « nues » pour laisser le choix au porteur de leur faire apposer ou non des fers (impactant la forme du patin). Je dois avoir tout faux sans doute…

  10. J’ouvre une fenêtre supplémentaire en ce qu’il me semble impossible de traverser l’hiver avec des souliers sans patins…sans se mouiller les pieds, sensation dont j’ai horreur. C’est pourquoi chaque automne je fais poser un patin et un fer sur mes richelieus.
    En revanche, à l’arrivée des beaux jours, ou tout simplement quand le soleil brille, je n’apprécie rien tant que de chausser mes souliers en veau velours à semelles de cuir.

  11. Je suis bien d’accord avec vous, on ne met pas de chaussure sur un plâtre ! C’est pourquoi je me range du côté des partisans des patins.

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